D’après Jean-Claude VINSON, Producteur, auteur, compositeur, interprète
Malgache par sa mère, français par son père.
« Comme sa population, l'art musical de Madagascar a pour origine le mélange des cultures, asiatique, africaine, arabe et européenne. Sur ces bases, la culture malgache a élaboré sa spécificité artistique, et de manière continue elle s'est régénérée avec les emprunts aux cultures nouvelles de rencontres ou de passage.»
Chaque région, chaque ethnie, a sa musique. Madagascar est un pays où l'on chante et où l'on joue de la musique en toutes circonstances, de la naissance à la mort. Justement, le famadihana, ou retournement des morts, donne lieu à une grande fête musicale, qui peut durer une journée entière, ou plusieurs jours. Elle n'a pas pour seul but de consoler la famille éplorée, mais elle célèbre également la mort qui est une renaissance à la vie, au monde des esprits, au monde des ancêtres. Pendant l'exhumation, la musique et les danses contribuent à fêter le retour de l'esprit des morts parmi les vivants. La joie qu'elle procure est ressentie par l'assistance et les musiciens qui se partagent ce bonheur. Le musicien a le pouvoir de matérialiser l'irréel. Il permet aux vivants de retourner dans le passé par la communication avec les défunts auxquels d'une certaine manière il redonne la vie.
C'est aussi par la musique et la danse que certaines ethnies entrent en relation avec les esprits des ancêtres, par le tromba. Ce rite de possession fait appel à une musique de transe, qui sert de transmission de l'histoire et des connaissances, présente lors des évènements bien explicites, omniprésente à la danse et aux manifestations de joie. La musique est un lien avec le sacré, avec les divinités et les pouvoirs surnaturels. Cette musique rythmée constitue un patrimoine sacré : pour les profanes, elle a un parfum d'exotisme et est un raccourci vers la spiritualité. Ce spiritisme crée des émotions, soulève des espoirs, apporte des guérisons, révèle des remèdes. L'évènement ou la maladie dont il est la cause devient une source d'inspiration et une sorte d'honneur car ils permettent des révélations. Selon le cas à traiter, le médium connaît la musique appropriée et l'esprit à solliciter.
La jeunesse malgache reste très attachée à la musique traditionnelle : elle est l'âme, la vie, le cœur, la culture et l'expression du peuple. Très riche, la musique connaît des spécificités propres à chaque région :
il m'apparaît évident que la particularité de la musique malgache est son rythme.
Madagascar est un pays où les rythmes utilisés dans la plupart des régions de l'île paraissent totalement différents les uns des autres. Mais finalement, ils sont de la même veine
Si aujourd'hui, le rythme est entré en force dans les musiques européennes, occidentales, Madagascar à lui seul est un trésor de rythmes qui n'a pas encore été réellement découvert et mis en valeur.
Depuis plusieurs décennies déjà, et jusqu'à aujourd'hui, les responsables de la culture du pays mettent l'accent sur la promotion et la protection de la musique traditionnelle. Elle en a besoin, paraît-t-il, car elle serait en voie de disparition. Argument rassurant ou non, il ne faut pas oublier que 80 % de la population n'a pas l'électricité. Il est possible d'en déduire que 80 % de la population musicienne de Madagascar joue de fait une musique dite traditionnelle, puisque sans guitare électrique, ni orgue électrique,...
Pour ce qui est des 20 % de musiciens qui, eux par contre, sont pourvus d'électricité, … ils ne veulent plus être à la traîne comme leur aînés, ils veulent participer à l'évolution de la musique… de manière à créer des oeuvres originales, basées sur l'identité malgache.
Quelques anecdotes, combien croustillantes, viendront apporter la preuve que l'histoire de la musique mondiale est liée directement ou indirectement à Madagascar.
Je ne m'attarderai pas sur ces musiciens malgaches qui; alors que les bateaux mettaient des mois pour venir chercher des épices à Madagascar, étant montés à bord et pris par l'ivresse, se sont endormis sur le pont ou dans la cale, pour ne se réveiller qu'une fois l'ancre levée. Sans doute ont-ils contribué, à leur manière, à la musique du monde.
Je vais commencer par Danny BOY et les Pénitents, le premier groupe de rock français avec Danyel GERARD en 1958, Johnny HALLYDAY n'existait pas encore, ni les BEATLES, ni les ROLLING STONES… Les quatre musiciens qui formaient le groupe des Pénitents étaient des Malgaches, fils de diplomates en poste en France. Comme ils ne voulaient pas être reconnus, de peur de la réaction de leurs parents, ils se sont mis des cagoules. C'est grâce ou à cause de ces cagoules qu'ils sont demeurés anonymes, tout en marquant l'histoire de la musique.
Jimi HENDRIX, en back stage du grand festival de Woodstock en 1969, compose une chanson qu'il intitule Madagascar. Il appelle sa production Antakarana (nom du peuple qui vit dans le Nord). Sur ses fiches d'hôtel aux Etats-Unis, il signe Antakarana staff avant de signer de son propre nom.
Le Jamaïcain ami de Bob MARLEY, Stanley BECKFORD, qui nous a quitté l'année dernière à l'âge de 65 ans, était l'un des derniers pionniers du mento, l'ancêtre du reggae. Il déclare dans le magazine français L'Express que l'origine du mento et du calypso est la musique de Madagascar, et donc forcément, le reggae est originaire de la musique malgache (26/04/2004).
Il faut noter aussi une petite phrase, dans une entrevue de Carlos SANTANA avec Blair JACKSON, dans le journal américain Onstage (30/12/2002) : « nous ne devons pas avoir peur d'aller à Madagascar pour jouer et comprendre leur musique... Je ne veux pas mourir idiot et je trouverai le moment pour y aller. »
Enfin c'est un Malgache, Andy RAZAF, qui a composé la chanson In the mood avec laquelle Glenn MILLER s'est fait connaître dans le monde.
Source : Extraits Madagascar Fenêtres Vol 3, Ed Cite Ambatonakanga Antananarivo