« Pendant une grande partie de l'année, mais surtout d'octobre à mai, le vert lumineux des rizières égaie le rouge brunâtre des Hautes Terres dénudées. Le riz constitue l'aliment de base de la plupart des Malagasy. Leur consommation annuelle s'élève à 136 kilos en moyenne par personne. Le riz est consommé trois fois par jour le pain n'est pas «bourratif » dit-on.
Les premiers immigrants venus de l'Asie du Sud-Est, ont apporté le riz à Madagascar. Le mot malagasy désignant le riz,. « vary » est d'origine austronésienne. La plus ancienne des plus de 70 variétés de riz se trouve dans les régions qui furent les premières habitées, à savoir le Nord-Est et le Nord-ouest. Cette variété présente en effet le plus d'analogies avec celle originaire d'Asie. La culture du riz fut peu à peu introduite dans le reste du pays en même temps que l'immigration des différentes ethnies. Les Sakalava de la côte occidentale furent les derniers à cultiver le riz, au 18ème siècle. Seuls les Antandroy et les Mahafaly, qui occupent le Sud-Ouest, région d'une extrême sécheresse, se nourrissent encore essentiellement de tubercules, comme le manioc, qui appartenaient jadis au régime alimentaire traditionnel de la majeure partie de la population malagasy.
Il existe différentes méthodes pour cultiver le riz. Sur les sols marécageux des fonds de vallée, on pratique la riziculture irriguée, le « horaka », et sur les pentes, le système « tavy » y. c'est-à-dire la riziculture pluviale. La culture tavy sur les versants est de plus en plus pratiquée par suite de la croissance démographique. Les conditions naturelles des Hautes Terres sont plutôt favorables à la riziculture inondée. Comme l'arrosement par les fleuves est garanti toute l'année. il est possible de faire normalement deux récoltes par an. Le premier riz, semé en avril-mai et régulièrement irrigué, peut être récolté en janvier. Celui de la seconde saison, sur les rizières non irriguées, est repiqué en octobre, dès les premières pluies, et mûrit en avril ou mai de l'année suivante. Si les conditions sont très favorables, il est possible de faire une troisième récolte. D'autre part. surtout dans la plaine lacustre d'Alaotra et dans le Nord-Ouest, de nouvelles variétés de riz, dont la récolte peut s'effectuer en moins de 120 jours, ont été expérimentées avec succès.
Au cours des siècles, la méthode de production n'a pas subi de profondes modifications. C'est toujours la bêche traditionnelle qui est utilisée pour préparer la rizière. Les travaux de labour requièrent souvent une nombreuse main-d’œuvre. Autrefois, on faisait appel à la famille, tandis qu'aujourd'hui on demande aux voisins, qui constituent la « famille » de venir aider. Des dizaines de bovins, harcelés par les cris des garçons, sont conduits sur les terres submergées. Avec bravoure, les enfants provoquent les zébus comme de véritables petits toreros. Les vieux consolident entre-temps les diguettes que les zébus piétinent sans cesse et détériorent. A la fin de l'après-midi, le terrain s'est transformé en une surface boueuse lisse. Un des hommes sème le riz. Comme semence, on prend des grains de riz de l'année précédente mis à germer préalablement. Après ce travail collectif, source de liesse, les gens, tout crottés, retournent au village où les femmes ont préparé un repas de fête, récompense du dur labeur. Personne n'est payé, on compte sur l'entraide sociale, tel qu'il sied à des « parents».
Jadis, le riz était semé directement. Sur les hauts plateaux, où les bonnes terres sont rares, on sème d'abord le riz en pépinière, pour ensuite repiquer les plantes sur une surface plus étendue. Ces travaux sont généralement effectués par les femmes. Après le repiquage. la culture ne demande que peu d'entretien, hormis la régulation du niveau de l'eau. Au bout de quelques mois, les grains au sommet des panicules jaunissent et s'inclinent vers le sol. L'heure de la récolte est arrivée. Les hommes coupent le riz, femmes et enfants nouent les javelles en faisceaux et les emportent au village où ils sont mis à sécher au soleil. Hommes et femmes, indistinctement, battent le riz. Au milieu du village, sur une aire aménagée à cet effet avec des bouses de vache séchées, on éparpille les gerbes défaites que les bœufs piétinent pendant un certain temps pour séparer les grains des tiges. Une autre méthode consiste à battre le riz contre une poutre horizontale placée à hauteur du genou ou contre une pierre, de façon à faire tomber les grains par terre. Après le battage, les tiges sont retirées, le riz balayé, mis dans des vans que les femmes secouent lentement au-dessus de leurs têtes pour que le vent emporte les pailles. Le riz est ensuite stocké dans de petites granges. Les pailles et le chaume servent de combustibles pour faire la cuisine et fabriquer des briques.
De nos jours, pratiquement toute la riziculture est axée sur la consommation locale, ce qui n'a pas toujours été le cas. Jusqu'en 1972, Madagascar était un pays exportateur de riz. Mais en 1982, il a fallu, pour un grand nombre de raisons, importer pas moins de 351 000 tonnes de riz. Tout d'abord, la production rizicole n'augmentait pas au même rythme que l'énorme poussée démographique. La pression exercée sur les rizières existantes était devenue trop forte. L'entretien des plantations fut négligé et les réseaux d'irrigation se détériorèrent. Le système de transport défectueux et le décourageant monopole de l'Etat sur le ramassage et la distribution du riz aggravèrent la baisse des rendements. Mais c'est surtout le prix peu élevé du riz qui amena les paysans de la côte orientale à opter pour des cultures plus rentables comme le café, la vanille, les clous de girofle et la canne à sucre. D'autre part, l'engrais chimique que le gouvernement avait propagé dans les années soixante, s'avéra être beaucoup trop cher. Il est vrai que les paysans pouvaient acheter à crédit, mais ils n'osaient pas s'endetter de crainte que les récoltes ne deviennent mauvaises.
Malgré tout, l'Etat continue sa bataille du riz et de temps en temps ses efforts acharnés pour augmenter la production et améliorer la distribution sont couronnés de succès. Avec l'appui de l'étranger, le développement des systèmes d'irrigation existants, l'aménagement de surfaces rizicultivables et l'usage des variétés de riz nouvelles reçoivent beaucoup d'attention. Entre-temps, l'importation de riz a baissé jusqu'à 59 000 tonnes en 1992. Après plusieurs cyclones en 1994, ce chiffre a grimpé jusqu'à 180 000 tonnes.
Source : Arlette P. Kouwenhoven « Madagascar La Grande Ile »
Ed Winco Publishing 1995