La région étudiée est à peu près limitée par un rectangle de 80 km de large sur 120 km de long, orienté, suivant sa plus grande dimension N-S et ayant Tananarive en son coin Nord-Est. Elle été parcourue dans tous les sens au cours une campagne géodésique en 1910 « Pendant une grande partie de l'année, mais surtout d'octobre à mai, le vert lumineux des rizières égaie le rouge brunâtre des Hautes Terres dénudées. Le riz constitue l'aliment de base de la plupart des Malgaches. Leur consommation annuelle s'élève à 136 kilos en moyenne par personne. Le riz est consommé trois fois par jour le pain n'est pas «bourratif » dit-on.
Il a semblé que la variété des aspects physiques dus la constitution géologique, et leurs rapports avec la vie humaine, faisaient de ce pays un des coins les plus intéressants de l’Emyrne. C’est dans l’ensemble un plateau volcanique dépassant 2000 m., atteignant même 2640 m. dans l’Ankaratra. Mais les produits éruptifs sont relativement assez peu épais, et le soubassement cristallin apparaît souvent, non seulement sur la périphérie, mais, grâce à l’érosion, au cœur même du massif volcanique, créant un paysage qui contraste une façon frappante avec celui des roches volcaniques.
Nous étudierons abord les régions granitiques ; nous décrirons ensuite le groupe volcanique de l'Ankaratra, puis celui du lac Itasy.
La partie granitique, plus spécialement la région Arivonimamo-Miarinarivo, a l’aspect classique des Hauts Plateaux de Madagascar : ensemble à peu près plat, sillonné par de nombreuses rivières sinueuses, quelquefois très encaissées, et dominé par des collines d’importance variable, mais toutes de direction sensiblement N-S, ou par des pitons isolés.
Sur ces hauteurs aux pentes très raides, la roche est souvent à nu, formant des bosses arrondies ou de vastes surfaces convexes sans aucune aspérité, d’où les indigènes extraient leurs grandes à dalles tombeaux Les variations de température, qui sont tous les jours très considérables dans un pays où le soleil est très voisin du zénith et où des pluies froides tombent chaque instant, occasionnent des variations de volume des couches supérieures, qui se détachent alors de la roche sous-jacente. Les indigènes aident du reste la nature en allumant de grands feux au-dessus des dalles convoitées, qu’ils refroidissent ensuite brusquement avec de l’eau. Il arrive aussi que la roche se débite en nombreux blocs arrondis ; peu à peu dégagés de leur gangue de latérite, ils entassent et roulent finalement jusqu’au bas des pentes.
Au pied de ces collines rocheuses, tout disparaît sous l’épais manteau de latérite, qui recouvre les trois quarts de Madagascar. Cette argile, provenant de la décomposition du granité-gneiss, atteint quelquefois une épaisseur de 40m. ; elle est ordinairement d’un rouge vif et les excavations naturelles (lahavaka), qui marquent fréquemment le début des thalwegs, éclatent comme des blessures sanglantes dans la grisaille environnante. Cette latérite est modelée à l’infini par un chevelu extraordinaire de vallées, entre lesquelles les lignes de faîte serpentent interminablement.*
Ce manteau est quelquefois percé par des filons de quartz saccharoïde, alignant leur blancheur sur de grandes longueurs, ou par des amas de quartzite grenu, qui ne donnent pas de latérite et résistent énergiquement à l’érosion.
La végétation sur cette terre à briques est évidemment très pauvre ; elle est uniquement représentée par le « bojaka » des Malgaches, maigre Graminée à tige et à feuilles coriaces, que les animaux ne mangent guère. Dans cette uniformité grise, on aperçoit les longs rubans verts des rizières qui couvrent le fond des vallées et constituent presque l’unique culture de la région. Le manioc, pourtant, qui semble s’accommoder assez bien de la terre briques, élargit chaque année son domaine, et l’importance de l’exportation de cette racine, riche en fécule, augmente rapidement. On ne cite que pour mémoire les autres cultures : patate, canne à sucre, etc…
Dans les environs d’Arivonimamo, quelques pentes sont recouvertes du petit arbre « Tapia », dont la feuille nourrit les vers à soie malgaches. L’élevage des bêtes à cornes est assez restreint.
Les richesses minières se rencontrent presque partout, mais rares sont les endroits où la teneur est suffisante pour rémunérer le travail. Il faut pourtant signaler exploitation aurifère du Vohinambe, dans un affleurement stratiforme de quartz ; celle d’Ambalavato, dans un banc de granité-gneiss ; celle de Miarinarivo dans un dépôt alluvionnaire assez riche ; enfin les nombreux gîtes de graphite de la région du Vohinambe.
Malgré ce bilan peu encourageant, la population est relativement dense. Le riz est son seul besoin, et on peut évaluer la population d’un village par l’étendue de la rizière qu’il domine et surveille jalousement du haut du mamelon sur lequel il est perché.
Les chemins et sentiers sont assez nombreux, mais en mauvais état au passage des rivières, car ils sont sacrifiés aux travaux irrigation.
Rapports du sous-sol granitique avec les épanchements volcaniques - Avant le « vieil Ankaratra » et ses satellites, la région recouverte actuellement par les épanchements volcaniques devait avoir l’aspect des paysages granitiques des Hauts Plateaux, précédemment décrits. Rien ne devait la différencier des régions avoisinantes. Toutefois il semble elle devait être déjà, comme maintenant, un centre important de dispersion des eaux.
Les grandes rivières actuelles divergent encore autour de l’ancien faîte. Ce sont, à l’Est, toutes les rivières qui forment l’Onive; au Nord, la Katsaoka, l’Ombifotsy, l’Onibe; à l’Ouest, la Varana, le Kilsamby; au Sud, toutes les rivières qui descendent du côté de Betafo et d’Antsirabe, principalement la Ranotsara, qui devait autrefois monter jusqu’au cœur de l’Ankaratra, quand un barrage de laves rejeta sa partie supérieure (actuellement vallée d’Ilianakitay) vers l’Est.
On peut encore faire remarquer que les points où le granité perce la couverture de basalte, de trachyte ou de phonolite sont souvent à de très fortes altitudes, que n’atteignent pas les autres sommets cristallins du reste de l’Emyrne.
Tels sont la chaîne Tsiafakalika-Sarobaratra, qui forme le versant gauche de la vallée de l’Ampitambo ; le pic rocheux de l’Omelopatsa (2090 m.) au Sud de Faratsiho, qui perce peine épais manteau de phonolile; la chaîne que l’on aperçoit au-dessous de l’Ambohi Poloalina (A Poloalina) ; celle qu’il est permis de supposer au-dessous du Tsiafajavona, le point culminant de l’ensemble, et dont on aperçoit quelques points, non les plus élevés, dans les vallées qui découpent le plus profondément la masse du volcan. Enfin, aux confins de la région recouverte par les laves, émergent, par un étrange contraste, les pitons fantastiques des chaînes du Vavavato, qui dépassent 2 300 m. et qui méritent une mention particulière.
Chaînes cristallines du Vavavato - Ces chaînes, parallèles entre elles, sont constituées par un amas de blocs énormes, qui semblent avoir été empilés par un géant, et dont l’équilibre paraît être à la merci d’une chiquenaude. La roche, d’apparence granitoïde, est constituée par du quartz et du feldspath, et ne contient pas d’éléments noirs. Elle est très dure et se débite en blocs arrondis, à la façon du granite. Les débris de l’érosion et de la décomposition lente des minéraux constituants sont entraînés immédiatement, et la roche reste nu. Pas une parcelle de terre, pas la moindre végétation, rien que la pierre grise et terne. Les montagnes de la lune doivent avoir cet aspect. Ces chaînes ont probablement été complètement recouvertes par l’épanchement des laves ; quelques-unes sont dégagées maintenant, mais on trouve encore quelques paquets de roches volcaniques dans les petites vallées, ce qui contribue augmenter le chaos topographique de cette région curieuse. D’autres sont encore à moitié enfouies ; on les voit surgir lentement de cet enfouissement, et rien n’est étrange comme le contraste de ces arêtes en dents de scie, absolument dénudées, et des terrains volcaniques qui les entourent, harmonieusement arrondis et couverts d’un gazon épais.
1/ Ankaratra - L’Ankaratra proprement dit émis surtout du basalte, lave très fluide donnant des coulées pente faible. Du côté du Nord et du Nord-Ouest, trouvant sans doute des terrains peu accidentés, ces coulées se sont paisiblement étalées et ont étendu leur nappe probablement assez loin, suivant une pente très faible. Plus tard, l’érosion découpa cette nappe en croupes allongées : celle du Laona, qui s’étend jusqu’au pied de l’Ivatove et du Vohinambe ; celle située entre l’Onibe et l’Ombifotsy, qui, après une chute assez forte à l’ Ahi Zokana, s’allonge jusqu’aux portes d’Arivonimamo ; celle de l’ Ahi Tsaralaza-Rantoandro, la plus belle de toutes, par laquelle les indigènes de Ankaratra aiment à descendre leurs pommes de terre ; celle d’Andraokomby, celle du Manango, celle d’ Ahi Trakanga Toutes ces croupes sont suivies par des pistes très faciles, quelques-unes sont charretières, et le spectacle est inattendu des nombreuses charrettes attelées de bœufs circulant à une altitude de 2 300 m dans les immenses champs de pommes de terre de l’ Ahi Tsampana.
Du côté de Est, les laves ont au contraire trouvé une pente très raide et accidentée qui, brisant et divisant leur nappe, les a empêchées de former un tout cohérent et facilité le travail de l’érosion, qui actuellement, par de multiples torrents, sape la base môme du Tsiafajavona. Aussi, par un contraste frappant, les pentes du côté de l’Est sont abruptes, et le voyageur qui fait l’ascension par les glacis du Nord-Ouest scrute avec inquiétude les trous sans fond qu’il aperçoit à ses pieds, tandis que le voyageur venant de Est se demande s’il pourra gravir cette muraille qui lui barre l’horizon du couchant.
L’épanchement a conservé plus d’ampleur du côté du Sud et se termine à la coupure taillée par le déversoir du lac de Sambaina, par la belle table inclinée d’Ahi Batazana. Au delà de cette coupure on rencontre encore de nombreux lambeaux de basalte venant certainement de l’Ankaratra.
On trouve aussi en quelques points des roches de couleur claire, que Mr Lacroix rattache aux roches trachytoïdes : la butte de Manango, aux pentes très escarpées, isolée au milieu d’épanchements basaltiques, dans la partie Nord du massif ; l’Ahi Mirandrana, tout près du point culminant ; la butte de Manalalando, etc...
Enfin, Mr Lacroix a reconnu plusieurs épanchements de phonolite .
L’Ankaratra rappelle par beaucoup de points nos volcans d’Auvergne surtout le Cantal, quoique celui-ci soit moins important. On y voit les mêmes vallées profondes, où des torrents impétueux blanchissent de leur écume les cailloux noirs de basalte, les mêmes nombreuses cascades. Il ne manque que la végétation arborescente pour que l’illusion devienne complète.
Comme au Cantal, le cratère n’est pas conservé, mais l’inclinaison des coulées, analogues aux « planèzes », permet d’affirmer que le centre principal d’émission devait être voisin du sommet appelé Ankaritra. On peut invoquer comme une preuve à l’appui de cette hypothèse l’existence d’un dyke de basalte presque vertical resté en saillie dans le fond d’une petite vallée située au pied et Est de l’Ankaritra.
2/ Groupe du Sud-Ouest – L’Ankaratra proprement dit s’arrête à une profonde coupure constituée par les vallées d’Iliacakitay et d’Ampitambo ; de autre côté de cette coupure, le groupe des volcans de l’Ouest forme un ensemble assez différent.
Tout abord, au lieu d’un seul centre d’émission, on en compte un grand nombre. Puis, les produits d’éruption sont en général des trachytes et des phonolites ; le basalte est l’exception.
Il s’ensuit qu’à l’unité de plan qui caractérise l’Ankaratra succède ici la complexité topographique, provenant de l’enchevêtrement de produits d’origine et de nature différentes. D’une façon générale, il en résulte pour tout l’ensemble un exhaussement considérable. Les points les plus bas de la couverture volcanique ne doivent guère être au-dessous de 2 000 m ; c’est l’altitude du plateau de Faravohitra, où passe la nouvelle route de Faratsiho à Sambaina : ce plateau est dominé de quelques centaines de mètres par de nombreuses hauteurs, représentant les anciens appareils volcaniques. Leurs formes sont des pins diverses. Cette diversité, qui constitue le principal attrait de la région, est due surtout aux différences de nature de roches constituantes.
Le trachyte, peu fluide, a donné des dômes d’assez grande envergure, limités par des pentes excessivement raides, coupées parfois par des vallées très profondes. Tel est le Famoizankova, qui forme un ensemble imposant, dominant au Nord la plaine d’Antsirabe ; le Bezavona, qui gonfle sa silhouette arrondie jusqu’à l’altitude de 2 230 m. ; l’Ahi Poloalina, qui montre encore la forme de son cratère.
La phonolite est plus fantaisiste et nous montre, soit des dômes analogues aux précédents, mais plus restreints, plus isolés, plus inattendus ; tel est le Bevohoka (qui veut dire : montagne enceinte) ; soit des coulées rappelant un peu le basalte (Manerenerina, Antongombato) ; soit ces étranges cônes, qui surgissent inopinément et se greffent n’importe où, au milieu d’émissions d’autre nature, sur les sommets, dans les fonds ou mi-pente. Leur régularité est presque parfaite, et leur pente excessivement raide. Tel est, prés de Faravohitra, le Tsiafakalika (qui veut dire : où le chien ne peut pas monter).
Le basalte enfin, qui se rencontre aussi quelquefois, donne des lables (Tokotanilsara) ou des cheires .
Souvent la même bouche a émis des laves de nature différente ; cela paraît être le cas de l’Ahi Poloalina, représenté surtout par du trachyte, mais dont le culot, qui commence être dégagé par érosion, est constitué par une roche lamellaire, gris-bleu, qui est peut être de la phonolite. C’est aussi le cas du Famoizankova, dont la masse est de trachyte, et dont certaines pentes Sud sont recouvertes de cheires basaltiques, sans doute assez récentes.
Un sommet, très voisin et à l’Ouest du Famoizankova, offre un spectacle assez inattendu : il ressemble à une ruine par sa silhouette déchiquetée et par le désordre de ses pentes ; les alentours dans un rayon de 2 000 m. sont criblés de blocs volcaniques de toutes grandeurs, depuis la bombe volcanique la petite colline, à moitié enfouis sous les débris de l’érosion. Sans doute faut-il voir là le résultat d’une explosion qui fait sauter l’édifice volcanique et en dispersé les débris alentour.
Enfin, comme conséquence du peu de fluidité des laves, certains points n’ont pas été recouverts et constituent actuellement au milieu de l’exhaussement général des cuvettes très profondes. Tels sont : la plaine de Faratsiho, et surtout le marais Vinaninony, qui est entouré presque de toutes parts par de véritables montagnes d’origine volcanique, aux pentes excessivement raides.
Ce district volcanique arrête, au Nord, à la profonde coupure que le Kitsamby s’est taillée dans le granité-gneiss ; à l’Ouest aux dernières pentes de l’Ahi Poloalina. Au Sud-Ouest il, est borné par les chaînes cristallines du Vavavato ; au Sud il s’étend jusqu’aux émissions du district volcanique de Betafo, s’avance assez loin dans la plaine d’Antsirabe et se relie par les lambeaux de basalte que l’on trouve dans cette plaine et sur le plateau qui lui fait suite, à l’Est de la falaise du Mandray, aux deux cônes volcaniques du Vontovorona et du Iankiana.
District volcanique de Betafo - Cette région, qui n’a été qu’entrevue, diffère totalement de celle qui été précédemment décrite. Les volcans sont ici fort nombreux, très récents et par suite fort bien conservés. Ils ont émis presque uniquement des produits de projection et sont tous marqués par un cône très régulier, terminé au sommet par une cuvette quelquefois fermée, mais le plus souvent échancrée en un point par l’érosion. Les curiosités naturelles abondent. Il faut citer le merveilleux lac Tritriva, lac de cratère d’explosion, situé dans le fond d’une de ces cuvettes. Les bords très élevés de entonnoir sont constitués par des produits de projection, et à la base on voit la roche granitique percée comme à l’emporte-pièce. Le lac a la forme d’une ellipse ; sa profondeur est très grande (150 m. environ d’après le Révérend R. Baron) ; dans la direction du grand axe, on aperçoit fort bien une faille dans la masse de la roche granitique sous-jacente, marquée du reste un peu plus loin par deux cônes minuscules, de véritables volcans de poche.
D’autres lacs, moins curieux, ont sans doute la même origine. Tel est le lac Andraikiba, qui se trouve près la route d’Antsirabe et de Betafo. Son contour est constitué par des portions de cercles, et ses rives par des bourrelets de produits de projection.
D’autres, plus importants, tel que le lac d’Andranobe, semblent être dus au barrage d’une vallée par les émissions d’un volcan voisin.
Il faut signaler enfin les eaux minérales d’Antsirabe, qui ont déjà acquis une légitime réputation.
Cônes volcaniques du Vontovorona et du lankiana - Ces volcans étonnent par leur isolement et leur puissance. Le Vontovorona, perché sur le bord de la falaise granitique du Mandray, domine la plaine d'Antsirabe de 600 m. Le Iankiana est encore plus élevé et intrigue par son chapeau de gros rochers. Le premier semble un cône à base absolument circulaire, posé simplement sur un socle de granite. Le second se rattache au Sud à des édifices volcaniques moins élevés, mais assez importants.
Une chaîne de lambeaux basaltiques semble relier ces deux cônes au système de l’Ankaratra. Toutefois il faut noter que la nature de leur roche n’est pas basaltique, mais phonolitique (trachyte phonolitique, après Mr Lacroix). La roche du Vontovorona se débite en plaquettes gris-bleu, sonores, présentant en se décomposant de nombreuses petites taches blanches octogonales. Quant au Iankiana, il présente la même roche à sa base, mais sa partie supérieure est constituée par une belle roche tigrée, à fond gris, avec taches circulaires noires, assez cristalline, se débitant en blocs énormes allongés et plats, ou en dalles de grandes dimensions, sonores comme une cloche d'airain.
Aspects, cultures et population de la région volcanique — La région volcanique se différencie tout d'abord de la région granitique par une plus grande fertilité. Le « bojaka » devient plus haut et plus épais; des cultures autres que celle du riz réussissent à merveille : la patate, la betterave, le manioc, le maïs et surtout la pomme de terre, qui étend son domaine jusqu'au sommet de l'Ankaratra; l'élevage des bêtes à cornes est plus développé, et celui des porcs prend une grande importance.
Néanmoins la population diminue à mesure que l'on s'élève, car les vallées s'encaissent de plus en plus et, parlant, les rizières deviennent de plus en plus étroites. La pomme de terre ne saurait remplacer le riz, dont le Hova ne se prive pas volontiers. Mais si, à la faveur d'une cuvette ou d'un élargissement de la vallée, la culture du riz peut être développée, on voit aussitôt les villages se presser autour de leur culture favorite, qui réussit alors à merveille, indépendamment des produits secondaires énumérés plus haut. Telles sont : la région de Manalalondo, au Sud-Ouest de Laona; la vallée de l'Ampitambo, au pied du Sarobaratra; la cuvette de Vinaninony, qui attend qu'on draine son marais; et surtout celle de Faratsiho, où le marais a fait place à la rizière. Ici il y a pléthore : riz, pomme de terre, manioc, volaille, viande, se vendent trois fois moins cher qu'à Tananarive.
Cette plus grande richesse tient à certains principes fertilisants des produits volcaniques, qui manquent au granite et au gneiss. Les uns et les autres se décomposent en latérite, mais celle provenant des laves est bien plus favorable à la végétation, une épaisse couche d'humus en témoigne. Jusqu'aux plus hauts sommets, on pourrait même dire, surtout sur les plus hauts sommets, les herbes poussent drues et denses et atteignent une belle hauteur; celui qui est obligé de les traverser le matin, alors que les gouttelettes de la rosée pendent en rangs serrés à tous les brins, le constate à ses dépens. La latérite se forme jusqu'aux plus fortes altitudes, contrairement à une opinion antérieure, mais elle est cachée par une couche de terre végétale noire qui peut atteindre un mètre d'épaisseur. C'est dans cette terre noire que poussent les fameuses pommes de terre de l'Ankaratra, du plateau de Faravohitra et de l’Ahi Poloalina.
Un autre caractère de la région volcanique, tenant à sa plus grande altitude, est sa température relativement basse. En hiver, la glace se forme dans les torrents et le givre blanchit souvent les fonds humides Dans l’Ankaratra particulièrement, où les sommets s’élèvent jusqu’à 2640 m., le froid, très vif, est augmenté par un vent d’Est parfois très violent ; il faut ajouter à cela la présence fréquente du brouillard qui affectionne particulièrement le géant du groupe : le Tsiafajavona.
A ce régime thermique correspond une végétation spéciale, qui donne l’impression d’un aspect européen. Des arbres, sur les pentes Est de l’Ankaratra, constituent des forêts embryonnaires, qui se développeraient probablement si les feux de brousse ne venaient pas les ronger périodiquement et les limiter voire même les diminuer.
Malheureusement, cette même température relativement basse, qui permettrait des cultures intéressantes, éloigne les indigènes insuffisamment protégés par leur « lamba » de cotonnade et leur case en torchis. Aussi la population est-elle très clairsemée aux hautes altitudes.
Cette région, dont la moitié Sud seulement été rapidement traversée, présente des caractères bien différents. Les laves sont l’exception. Elles disparaissent presque partout sous les produits de projection : cendres, lapilli, bombes basaltiques, blocs de granite, lancés par un nombre considérable de bouches, qui sont toutes marquées par un cône à pentes raides et régulières, terminé au sommet par une cuvette circulaire. Certains de ces cônes sont déjà un peu ravinés par érosion, mais autres sont encore absolument intacts. Tel est le Kasigié, l’un des plus élevés du groupe, dont le cône se dresse jusqu’à 300 m. au-dessus du sol environnant, et porte au sommet une profonde cuvette une régularité admirable. Si l’on réfléchit au peu de cohérence des matériaux qui constituent ces cônes, on est obligé de conclure qu’ils datent pour ainsi dire d’hier et que l’homme a certainement assisté à leur édification.
Les laves aperçues en quelques points sont basaltiques.
D’autres appareils volcaniques, vus de loin, semblent pourtant être un peu différents. Sans doute il y a eu pour ceux-là émission de laves visqueuses, donnant des pentes encore plus raides1 . Un des plus curieux doit être l’Andranonatoa, sur le versant Sud duquel on aperçoit fort bien, du sommet du Kasigié, un couloir, où les matériaux semblent avoir glissé, comme fait un glacier dans son lit. Mr Lacroix a aperçu une coulée analogue sur le versant Nord.
De toutes ces formations résulte la topographie la plus invraisemblable qui soit. L’œil le moins prévenu est étonné du chaos qu’il aperçoit : plus de vallées, plus de chaînes, seulement des trous et des cônes. Plus d’horizon lointain, mais la silhouette étrange de vingt volcans qui encerclent le voyageur et qui semblent s’être livré un combat pour conquérir la place nécessaire à leur formation. Entre tous ces cônes, la couche volcanique est assez peu épaisse ; maints rochers granitiques la percent et font deviner les anciennes formes du terrain. A la périphérie du district, l’épaisseur de cette couche diminue insensiblement, et les tranchées creusées par les rivières permettent de suivre cette diminution : quelques mètres de débris jaunes ou noirs surmontent la latérite rouge du sous-sol granitique, plus loin il n’y en a plus d’un mètre, puis 10 cm., puis une simple pellicule qui ne s’aperçoit que grâce sa couleur différente. A quelques kilomètres de distance, on ne voit plus aucune trace des produits volcaniques.
Ces éruptions violentes ont eu pour résultat de barrer certaines vallées comme celle de la Varassa, qui été transformée en un superbe lac aux contours capricieux. En raison de celte origine, ce lac est peu profond (10m. au maximum). Il se déverse à Ampefy par une chute de 15m. dans un petit lac aux contours arrondis, aux bords escarpés, excessivement profond (il n’y a pas plus profond disent les indigènes) qui occupe un cratère d’explosion, analogue au lac Tritriva. Cette origine est nettement décelée par la quantité prodigieuse de blocs de granite de toute grosseur que l’explosion a projetés aux alentours et qui restent en saillie sur la couverture volcanique . Ces blocs se voient surtout, débarrassés de leur gangue, dans le lit du déversoir du grand lac dans le petit. En aval, le déversoir devient la Lily, qui franchit quelques rapides et engage dans les gorges profondes qu’elle s’est taillées entre de nombreux volcans.
L’abondance des produits de projection explique la sécheresse de la région. Pas un buisson. La végétation n’y est représentée que par une Graminée analogue à l’avoine (le « vero tsangy » des Malgaches). Cette plante atteignant 2m. de hauteur forme des savanes d’une uniformité qui fait penser une culture méthodique.
La plus grande partie de ce district est déserte.
Le manque d’eau superficielle rend impossible la culture indispensable : le riz. L’eau qui disparaît sitôt tombée sur ce sol meuble doit, sans doute, retrouver les anciennes vallées granitiques et couler souterrainement ; dès qu’elle renaît à la surface, on voit apparaître de belles rizières et des villages prospères.
Certains endroits sont célèbres par leur fertilité, la fraîcheur de leurs ombrages et la variété de leurs produits. Ampefy est une agréable oasis, où le riz, le manioc, le café, le maïs, les fruits de toutes sortes viennent merveilleusement. Il faut y ajouter les ressources de la pêche et de la chasse. Il y a quelques concessions plantées de caféiers et d’orangers sur les bords du lac, qui appartiennent à des Français. Malheureusement, les rives de ce bassin sont inabordables pour nous pendant la saison chaude, en raison des nuées de moustiques qui proviennent des marais.
A. CARRIER Capitaine d'Infanterie Coloniale
« Le Massif de l’Ankaratra et ses abords ». Annales de Géographie. 1914. t.23, n°127. pp 60-71